En entrant dans la police il y a 20
ans, je ne pensais pas être confronté un jour à l'homosexualité
des personnels* ! Dans ce métier qui véhicule des stéréotypes
macho de force et de virilité, il me semblait impossible qu'un homme
assume une telle différence. Et je ne m'étais pas trompé de
beaucoup : très peu d'homme osent l'avouer, même si certain
ont du mal à s'en cacher ! Par contre, j'ai connu (et je
connais encore) des personnels féminins qui assument (voire,
revendiquent !) leur choix d'un mode de vie et d'une sexualité
différente... A l'époque, on ne parlait pas encore de mariage pour
tous et j'avoue que je n'avais pas vraiment d'avis sur la question...
Jusqu'à ce que je me retrouve à partager mon bureau avec une
collègue lesbienne il y a dix ans environ. Elle vivait avec une
femme depuis quelques années, elle assumait son homosexualité
sereinement, en toute discrétion mais sans que ce soit tabou. Elles
envisageaient d'avoir des enfants en ayant recours à l'insémination
artificielle et se posait le problème de l'autorité parentale, au
cas ou l'une d'elle décéderait... Elles ont eu chacune un enfant et
elles les ont élevées ensemble. Durant toutes ces années, j'ai
compris combien elles devaient affronter de problèmes au quotidien :
avec leur famille, avec certains collègues, avec leurs voisins,etc.
Plus tard, avec les parents d'élèves et les copains des enfants...
J'ai fini par avoir du respect, de l'empathie, de l'admiration même,
pour ces personnes qui font un choix radical et malgré tout
difficile à assumer de nos jours.
A cette occasion, je m'étais demandé
comment je réagirais si l'un de mes enfants m'avouait son
homosexualité... et j'étais partagé !
Hier, en rentrant de l'école, ma fille
m'a dit qu'elle avait un chéri : B. lui a offert une fleur en
demandant si elle voulait bien être son amoureuse mais elle a refusé
car elle aime A. ! Heureusement, il l'aime aussi... OUF, me
voilà rassuré. Jusqu'à ce qu'elle me dise que
finalement B. s'était rabattu sur sa copine C. qu'il aimait... mais
qu'elle aimait aussi !
- Oui mais ce n'est pas pareil : ta copine, ce n'est pas ta chérie. Les filles ne peuvent pas être amoureuse entre-elles...
- Pourquoi ??? me répond ma fille !
Oups !... Et oui, pourquoi ? Ou plutôt, pourquoi pas ?
A
l'heure du mariage pour tous, comment lui expliquer que les garçons
ne peuvent tomber amoureux que des filles et inversement ? Surtout, ais-je le droit de le faire ?
Là où nos parents nous disaient que
l'amour est un sentiment très fort entre un homme et une femme, que
le mariage scelle cette union de deux êtres de sexe opposé,
pouvons-nous continuer à tenir ce discours quand on
sait que la moitié des mariages hétérosexuels se finissent par un
divorce ? Et si le mariage homosexuel est reconnu par la loi, et
donc l'amour d'une personne du même sexe est reconnu par la société, comment lui expliquer que ce couple d'hommes qu'on voit se
promener en se tenant par la main, que ce couple de femmes qu'on voit
s'embrasser avec sensualité, n'est pas « normal » ?
En même temps, il m'est difficile de
dire à ma fille qu'elle peut tomber amoureuse indifféremment d'un
garçon ou d'une fille, que seul le bonheur compte, que son
épanouissement personnel (et plus tard, sexuel) passe avant tout... Le stéréotype du couple hétérosexuel est encore très présent
dans l'inconscient collectif et même si je revendique mon ouverture
d'esprit, mon éducation chrétienne catholique a encore du mal à
s'y faire (même si je ne suis pas très pratiquant). C'est le défi de l'Amour au 21e siècle ! A moins que le tout nouveau pape François donne sa
bénédiction aux unions homosexuelles... mais ce n'est pas pour
demain !
Finalement, je n'ai rien répondu ! Je n'ai pas trouvé les mots... Et puis elle n'a pas encore 5 ans ! J'ai encore le temps... Mais le jour où se présentera le problème (s'il se présente un jour et si tant est que ce soit un problème...) je crois que je lui dirai d'écouter son coeur. Et quel que soit son choix, je la soutiendrais tant que je pourrais.
* a noter que depuis plusieurs années, il existe
une association gay et lesbien reconnue au sein de la police : FLAG
Très juste et bien raconté
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