Dans ma carrière d'officier, j'ai eu
l'occasion d'assister à de multiples réunions.
Certaines n'étaient même pas préparées et ne portaient pas
forcément sur notre travail quotidien mais l'officier concerné
étant absent, on nous y envoyait pour représenter la Police
Nationale. Notre mission était de faire acte de présence, de
prêcher la bonne parole, avec pour consignes d'en dire le moins
possible et de ne jamais rien promettre... J'ai parfois connu des
grands moments de solitude : quand on vous interroge sur la
politique de lutte contre la délinquance économique et financière
(à laquelle vous ne connaissez rien!), quand on vous demande de
remédier au problème de la prostitution (problème qui perdure tout
de même depuis des siècles et auquel personne n'a jamais trouvé de
solution...) ou quand des citoyens demandent à ce que les policiers
viennent passer la soirée chez eux pour entendre le bruit que fait
leur voisin tous les soirs afin de le faire cesser enfin... Bref, je
croyais en avoir fini pour un moment avec ce genre de
« réjouissances » mais c'était sans compter sur
Monsieur le curé de la paroisse !
La semaine dernière, nous étions
conviés à une réunion de préparation au baptême car P'tit Homme
doit faire son entrée dans la communauté chrétienne au mois de
juin prochain. Nous avions rendez-vous à 20h30 et nous avions confié
nos progénitures à une amie, les bambins n'étant pas invités.
Nous étions une quinzaine de couples autour du curé et celui-ci
commença par présenter la paroisse qui comprend plusieurs communes
et plusieurs églises. Quand il se mit à parler d'une petite
chapelle dans une des communes alentours assez réputée pour son
vin, une des convives lui coupa vertement la parole pour demander :
C'est où çà ?
Il la regarda un peu interloqué,
non-pas tant à cause de la question qui paraissait stupide (il n'y a
pas de question stupide mais c'est un peu comme si un parisien
demandait où se trouve les Champs-Elysées ou un marseillais où se
trouve la Cannebière...), non, c'était plutôt l'attitude de la
personne : une blonde plantureuse, mâchant son chewing-gum
négligemment, se tenant collée contre son conjoint, tout contre
lui, s'exprimant avec un accent du Sud à couper au couteau... une
vraie caricature ! Monsieur le curé indiqua poliment, un brin
amusé, où se trouvait la chapelle mais je ne suis pas sûr que cela
servit à quelque chose car elle restait dubitative...
Quelques minutes plus tard, nous étions
séparés en deux groupes et nous nous sommes retrouvé avec le curé.
Il distribua de petites cartes sur lesquelles étaient inscrit des
mots en rapport avec la religion, le baptême, etc. Nous avions
quelques minutes pour trouver celui qui nous paraissait le plus
éloigné du sujet et les deux qui incarnaient, selon nous, le mieux,
ce pour quoi nous étions là.
Évidemment, il commença par Miss
Blonde qui se trouvait à côté de lui :
Quel mot avez-vous écarté ?
Alors moi j'ai rien choisi parce que pour moi, tous ces mots sont super important pour moi alors je peux pas en choisir un...
Oui, d'accord, je comprends bien mais il y en a bien un qui est plus éloigné que les autres de vos convictions ?
Bah non... et puis en plus, avec tous les mots on pourrait faire une phrase alors je peux pas choisir...
J'échangeais des regards avec ma femme
et nous faisions tout pour nous retenir de rire...
Monsieur le curé lui demanda alors
quels mots elle avait choisi qui lui paraissait incarner son
engagement dans la religion. Elle en trouva plusieurs, ne sachant
plus que choisir, développant son propos jusqu'à nous raconter sa
vie :
… parce que moi j'ai fait une insémination artificielle parce que je pouvais pas avoir d'enfants et finalement j'en ai eu deux d'un coup, on a des jumeaux, ils sont magnifiques, ce sont les plus beaux bébé du monde et moi je suis la mère la plus heureuse du monde, alors c'est doublement un don du Seigneur et de la Vierge que j'ai priée très fort, et même si des fois c'est difficile, je les adore plus que tout au monde... etc, etc...
Le curé eu toutes les peines du monde
à l'arrêter ! E quand son mari voulait intervenir pour
apporter une précision ou modérer ses propos, elle lui coupait
immédiatement la parole, avant de s'en excuser aussitôt, non sans
reprendre malgré tout son monologue... J'avais l'impression
d'assister à un sketch de Florence Foresti ! Pendant ce temps,
nous tentions de ne pas rire, nous échangions des regard amusés
avec les autres convives et je crois pouvoir dire que nous ne sommes
pas les seuls à nous être régalés...
Les autres couples trouvèrent chacun
une explication plus ou moins convaincante concernant les mots
demandés mais aucun ne réussit à égaler notre Miss Blonde !
Finalement, nous qui n'avions pas
vraiment envie d'aller à cette soirée, on peut dire qu'on s'est
bien amusés. Et même si nous n'avons pas appris beaucoup sur le
déroulement de la cérémonie, nous en avons appris un peu plus sur
la nature humaine...
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